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← articles plus anciens 16 septembre 2013 le diorama, la cathédrale imaginaire de louis daguerre, de retour dans l’église bry-sur-marne après sept ans de restauration, ce trompe-l’œil unique au monde, qui change en fonction de la lumière, a retrouvé sa place. l’église de bry sur marne avec le diorama en fond. dr. la petite église saint gervais saint protais à bry-sur-marne (val-de-marne) se rêve en cathédrale. ce vendredi 13 septembre, elle y arrive presque. au fond de l’édifice plongé dans la pénombre, derrière l’autel, apparaissent une enfilade de voûtes et de colonnes de style gothique. comme si notre-dame était cachée là, à quelques pas. une vision étrange, baignée d’une lumière surnaturelle : dans cette partie de l’église, le soleil semble accélérer sa course, on passe du jour éclatant à la nuit en quelques minutes. diorama de daguerre eglise de bry sur marne après restauration. dr. ce trompe-l’œil magique appelé diorama date du xixe siècle et il est l’œuvre de louis daguerre (1787-1851), qu’on connaît surtout comme l’inventeur de la photographie c’est lui qui, avec nicéphore niépce, mit au point en 1839 le daguerréotype, technique photographique sur une plaque de métal brillant. mais ce qu’on sait moins, c’est qu’avant cet épisode, il avait connu gloire et fortune avec une autre invention, le diorama. alors que ni la photographie ni le cinéma n’existaient, cet inventeur avait imaginé le « son et lumière » du xixe siècle : ce peintre spécialisé dans les décors de théâtre avait eu l’idée de peindre une toile des deux côtés, puis de l’éclairer grâce à un système complexe de miroirs et de verres colorés, cachant certaines parties, éclairant d’autres. le tout afin de raconter des histoires et de donner l’illusion d’une animation. le succès de ses dioramas était tel qu’il fit construire en 1822 un bâtiment dédié à son invention rue samson, à paris : le lieu, muni de grandes verrières destinées à faire entrer la lumière du soleil, fonctionna à plein jusqu’en1839, date de l’incendie qui le détruisit entièrement. on y venait de toute la france et bien au-delà, découvrir sur les immenses toiles peintes des pays lointains: rome, l’egypte… on y allait aussi suivre des actualités, comme au cinéma plus tard. toutes les toiles ayant été détruites, le seul diorama de daguerre qui subsiste aujourd’hui est celui de bry-sur-marne, dans le val-de-marne, où il a été installé en 1842. louis daguerre avait acheté une immense propriété dans la ville grâce à la rente reçue de l’etat français pour sa découverte de la photographie et du diorama. a la demande d’une habitante fortunée, daguerre avait eupour mission de « transformer » la modeste église de bry-sur-marne en cathédrale gothique. eglise saint gervais saint protais de bry-sur-marne. dr. pour cela, louis daguerre avait fait casser le fond de l’édifice, qu’il a remplacé par un mur incurvé ainsi que par une verrière. il y a fait suspendre une toile de 6 mètres par cinq, qu’il a réalisée sur place. « il a mis six mois à la peindre », indique margaret calvarin, la dynamique conservatrice du musée adrien-mentienne de bry. sur ce trompe-l’œil gigantesque, on voit le chœur d’une cathédrale gothique, avec des détails travaillés et plein d’humour : des toiles d’araignées dans un coin, un clou accroché dans le mur, une bougie qui vient juste d’être soufflée. les faux tableaux aux murs ont été peints volontairement de travers – afin de paraître droits lorsqu’on les regarde de loin. tout a été conçu pour que les spectateurs assis dans différents endroits de l’église ne voient pas la même chose. la toile, translucide, a été recouverte d’une fine couche de peinture et même d’huile dans certains endroits, afin de laisser passer la lumière et de changer selon l’intensité de l’éclairage. a bry, c’est aujourd’hui un système d’éclairage artificiel qui remplace la lumière naturelle, ce qui permet de passer du jour à la nuit et de contempler toutes les variations de la toile en quelques minutes. « pas besoin de mettre sa chaise longue dans l’église et d’attendre toute la journée ! » résume margaret calvarin. il aura fallu des fonds considérables et près de sept ans d’efforts pour parvenir à cette résurrection du diorama. populaire, mais déjà contesté à l’époque de daguerre (on l’accusait de capter l’attention des paroissiens aux détriments de la messe !), le diorama est rapidement tombé dans l’oubli après la mort de son inventeur. en 1870, les prussiens intrigués par cet objet immense, tailladent la toile pour voir si elle ne sert pas à dissimuler des trésors. au début du xxe siècle, le prêtre qui a fait repeindre l’église en blanc n’en voulait plus et l’a caché derrière un rideau. le classement aux monuments historiques du diorama, intervenu très tôt (1913) a sans doute empêché sa destruction, mais pas sa lente dégradation. pire, les restaurations tentées dans les années 1950 et 1980 ont fait plus de mal que de bien : « les gens avaient oublié ce qu’était un diorama. on l’a restauré comme s’il s’agissait d’un tableau, et cela a été une catastrophe » . collée sur une toile de lin censée la « solidifier », montée sur un châssis renforcée par des bandes de papier kraft, repeinte, l’œuvre a fini par gondoler et se craqueler. diorama de daguerre dans l’église de bry sur marne avant restauration. dr. c’est la volonté du maire de bry, jean-pierre spilbauer, qui a permis de mettre en œuvre une restauration inédite, menée par dominique dollé (qui avait déjà travaillé à la restauration de la galerie des glaces à versailles). il a fallu mettre au point le produit capable de diluer les pigments du xxe sans toucher à la peinture du xixe, puis un autre pour diluer la colle à bois utilisée à l’époque pour fixer le diorama sur la toile de lin. les travaux menés par une équipe de douze restaurateurs ont débuté en 2007 pour s’achever sept ans après – pendant tout ce temps, une convention passée avec l’école louis lumière a permis de voir, grâce à une webcam, l’évolution des travaux. restauration du diorama de daguerre de bry sur marne (2007). dr. le maire, conscient de l’importance du legs de daguerre pour cette petite ville, déjà connue pour ses studios de cinéma, tenait à ce que la restauration se passe sur place. il n’a pas hésité à faire construire un bâtiment spécialement conçu pour la restauration de la toile. celle-ci a coûté 350000 euros, financés en partie par la fondation du patrimoine et surtout par la fondation getty, aux etats-unis, où daguerre est bien plus connu qu’en france. « le jour de la mort de louis daguerre, les photographes ont mis un brassard noir en signe de deuil, rappelle margaret calvarin. le daguerréotype y a été utilisé jusqu’à la fin du xixe siècle, alors qu’en france ça s’est arrêté avec l’arrivée du calotype, dans les années 1860 ». l’homme y a aussi une meilleure réputation qu’en france, où il est surtout considéré comme un entrepreneur de génie, quand on ne l’accuse pas d’avoir volé son invention à nicéphore niépce. portrait of a bearded man. the poet (daguerréotype, coll. wm. b. becker). une des oeuvres exposées dans la maison de daguerre. dr. présenté au public pour les journées du patrimoine, les 14 et 15 septembre, le diorama n’est en fait qu’un des éléments d’un vaste projet de la ville de bry, qui est en train de restaurer la grande propriété de daguerre : acquise par la mairie en 2010, elle va devenir un centre de ressources et d’accueil du public autour de daguerre et du daguerréotype, avec des démonstrations, des ateliers, des journées d’étude. on peut y admirer en ce moment des daguerréotypes contemporains et une exposition très réussie sur le daguerréotype américain, avec des images exceptionnelles provenant de la collection bill becker. juste à côté, à l’hôtel de malestroit, une exposition retrace la vie de daguerre et présente d’autres toiles qui fonctionnent sur le principe du diorama, empruntées au musée des arts forains. les trois bâtiments (hôtel de malestroit, église et maison) se situent dans un